top of page

MARIE-CLAIRE BLAIS : LUMIÈRES DÉFERLANTES | MBAM

RENCONTRER LA LUMIÈRE

INTERLIGNE | EXPOSITION | JUIN 2025

Texte | Communiqué + Dave Richard

Photos | Pascal Grandmaison + Denis Farley


Le Musée des beaux-arts de Montréal présente, durant tout l’été, Lumières déferlantes, une exposition immersive de l’artiste Marie-Claire Blais, qui brouille avec virtuosité les frontières entre peinture, installation et architecture. Grâce à une œuvre monumentale suspendue, des tableaux ondoyants et une trame sonore intrigante, l’artiste propose une exploration physique et poétique de la lumière et de la couleur, pensées non plus comme objets, mais comme espaces à habiter.


À une époque saturée de stimuli visuels, Lumières déferlantes s’impose comme un geste rare : celui d’un ralentissement. Une invitation à ressentir la peinture autrement — non pas comme image à déchiffrer, mais comme phénomène à expérimenter. Ce premier solo muséal de Marie-Claire Blais au Québec révèle la pleine mesure d’un parcours patient, construit au fil de gestes, de textures et de longues années de recherche intuitive.



Formée en architecture, il est intéressant de constater que l’artiste cherche aujourd’hui à s’affranchir des murs. Alors qu’elle a jadis rêvé d’enveloppes, de structures, de limites à habiter, elle rêve désormais d’œuvres qui se suspendent, flottent, respirent dans l’espace. Ce désir de détachement trouve ici, pour la première fois, un terrain d’expression à la mesure de son ambition — grâce à l’échelle et à la liberté offertes par le contexte muséal. Il ne s’agit donc pas d’une rupture brutale, mais d’un glissement, d’une tension féconde : entre le cadre et ce qui le déborde, entre la surface et la traversée, entre la volonté de bâtir et celle de désencadrer.


L’œuvre centrale, une installation monumentale composée de 22 panneaux de jute suspendus, occupe le cœur de la salle avec une puissance physique étonnamment douce. Conçue spécialement pour le MBAM, elle évoque une immense vague de pigments célestes, dont les surfaces suspendues accompagnent les déplacements du public. Ce dispositif immersif transforme littéralement la relation à l’œuvre : il ne s’agit plus de regarder, mais de circuler, de se laisser envelopper.



« L’échelle monumentale me permet de convoquer une expérience corporelle et spatiale. J’avais besoin de sortir la peinture de son cadre pour construire un environnement. Et si la peinture n’était pas une surface à observer, mais un lieu à habiter, une onde que l’on traverse en marchant ? », explique Marie-Claire Blais.



Autour de cette œuvre, une série de tableaux muraux prolonge cette logique du déplacement. Leurs plis irréguliers, parfois verticaux comme des silhouettes, parfois horizontaux comme des horizons, composent une sorte de paysage fragmenté et sensoriel. Ces œuvres ont été peintes au sol, à l’aide de grands gestes circulaires, avec une peinture conçue par l’artiste elle-même — un médium fluide et volatile, qui exige vitesse et précision.


Le geste pictural est ici fondamental. Il n’est pas dissimulé : il est montré, révélé, entendu. Car au centre de l’exposition résonne aussi une trame sonore, conçue à partir des sons captés dans l’atelier — le frottement d’une brosse, le crépitement du pigment, le souffle du mouvement.



« Ce que je voulais faire entendre, c’est le “faire”, lui-même. La peinture, pour moi, est un acte physique, intime, presque chorégraphique. Chaque tableau est un prolongement de ma main. Et le son vient prolonger ce corps dans l’espace, dans une forme de souffle pictural », précise-t-elle.


Il y a, dans cette exposition, une profonde cohérence entre la forme et le fond. La peinture se libère de son statut d’objet pour devenir atmosphère. L’espace s’ouvre, se décloisonne, accueille. La commissaire Anne-Marie St-Jean Aubre souligne cette tension fertile entre matérialité et dématérialisation : « Dans le travail de Marie-Claire, la lumière n’est jamais simplement un effet visuel : elle agit comme une matière constructive à part entière. Elle module, révèle, oriente. C’est une façon très architecturale de penser la couleur, qui donne à l’exposition une dimension quasi atmosphérique. »


La dimension architecturale se manifeste également dans le geste de suspendre l’œuvre au centre d’une salle carrée — un espace traditionnellement associé au pouvoir. « En installant cette œuvre au cœur de la salle, j’ai voulu inverser cette logique. L’installation agit non pas comme un piédestal, mais comme une vague. J’invite les visiteurs à s’approcher, à contourner, à se perdre un peu. C’est un geste spatial, presque politique : décentrer, pour mieux relier. »



En donnant à la peinture une présence tridimensionnelle, en y intégrant le son, en convoquant l’architecture sans l’imiter, Lumières déferlantes déploie une pensée du lieu qui rejoint des enjeux contemporains cruciaux : comment habitons-nous les espaces ? Comment le corps trouve-t-il sa place dans un monde conçu pour être vu, mais rarement ressenti ?


« C’est un bel exemple de ce que permet une institution comme le Musée des beaux-arts de Montréal : réunir les ressources humaines, techniques et logistiques nécessaires à la concrétisation d’une œuvre d’envergure — qu’il s’agisse de la conception de la structure ou de la mise en lumière, essentielle ici. Si nous pouvons offrir aux artistes les moyens de pousser leur recherche plus loin, de créer à une échelle qu’ils ne pourraient atteindre seuls, alors nous remplissons pleinement notre mission. », rappelait Anne-Marie St-Jean Aubre en fin de conférence de presse.


L’exposition, rendue possible grâce à un soutien logistique et technique remarquable du MBAM, rappelle aussi le rôle essentiel que peuvent jouer les institutions culturelles dans le développement d’œuvres de cette envergure. En accompagnant les artistes d’ici vers des formes audacieuses, en soutenant la recherche et la prise de risque, elles rendent visible ce qui, sans elles, resterait à l’état de rêve.


Et c’est peut-être cela que Lumières déferlantes offre en dernier lieen définitive : un rêve devenu lieu. Un espace mouvant, pictural et sensoriel, où la peinture ne cherche plus à représenter le monde, mais à en faire partie. À le traverser. À le toucher.




MARIE-CLAIRE BLAIS : LUMIÈRES DÉFERLANTES

Du 20 juin 2025 au 4 janvier 2026


Commissariat | Anne-Marie St-Jean Aubre


MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

1380 Sherbrooke Ouest

Montréal, Qc

H3G 1J5

T. 514 285-2000



Sur Instagram @mbamtl

Comments


bottom of page