PLUMES DE PAPIER
LIGNE 02 | ART | ÉTÉ 2020
Texte | Dave Richard
Photos | Karine Demers + Océanne Bourassa Demers + Prose Mémoriste + Jean-Michael Seminaro
Quelque part entre la peinture et la sculpture, l’artiste montréalaise Karine Demers crée des collages de papier époustouflants où les formes se répètent jusqu’à sembler se mouvoir, les couleurs changer selon l’angle, le matériau se transformer.
« L’architecture m’inspire beaucoup; j’étudie attentivement l’influence qu’exerce la lumière sur chaque élément pour déterminer sa place. Plus tard, selon l’endroit où elles se trouvent, mes oeuvres révèlent leurs multiples façettes. Elles dépendent de leur habitat. » Ce sont des oeuvres qui naissent d’une certaine rigidité: lourdeur de la répétition, de l’accumulation innombrable de petites pièces presque usinées, intensité apparente de la production, couleurs vives frappantes, formes anguleuses... L’alternance des vides et des pleins vient donc rythmer l’affaire et permettent qu’émerge un aspect humain. Quand les lignes se brisent, soudainement, on respire, c’est la pause, on se relâche, on ralentit. On s’échappe.
« J’ai fait des études en arts visuels et en aménagement intérieur, puis en dessin de bâtiments, avant de me diriger vers d’autres domaines pendants des années. Ma reprise journalière de l’art m’a été suggérée par une intervenante en art-thérapie, comme outil pour maîtriser un trouble d’alimentation et un trouble obsessionnel compulsif. De bouche à oreille, mes oeuvres ont obtenu un petit succès qui m’a lentement menée à une première exposition officielle à la galerie de Marc Gosselin, qui m’a généreusement ouvert la porte de son espace en 2018. Suite à une conjoncture de divers événements, j’ai fait le grand saut et suis devenue artiste à temps plein. J’avais le désir d’aller au bout de mon idée, au-delà de la sensation qu’il manquait constamment quelque chose à ma vie, pour enfin m’accomplir et m’épanouir. » Ses tableaux ressemblent d’ailleurs parfois à des ailes, des amoncellements de plumes, des noeuds d’oiseaux. Des envolées figées, que l’œil met lui-même en mouvement lorsqu’il fouille les formes emboîtées. Il suffit de voir les boîtes pleines de petits pliages dans l’atelier de l’artiste pour comprendre la patience qu’il lui faut, la dévotion presque, pour mener à bien chacun de ses collages.
« J’éprouve une grande fascination pour les métiers d’arts; la dentelle, le maillage, le tressage, les petits travaux réguliers et patients. J’aime toucher la fibre, le papier lui-même. »
« Il est impossible de créer mes oeuvres rapidement. Le processus est intéressant, mais il évoque du même coup, par la quantité de pièces qu’il nécessite, la contrainte de la tâche, sa monotonie. La beauté du résultat doit faire oublier le travail. » On imagine facilement le nombre d’heures de pliage que s’impose l’artiste, qui a son atelier à la maison. « Ou plutôt, j’ai un coin maison dans mon atelier! L’important, pour moi, c’est d’avoir la luminosité et l’espace maximisé nécessaires pour vivre et pour créer. J’ai de grandes tables qui, une fois vides, me permettent de recevoir facilement 12 personnes. Aujourd’hui, je pense que chacun doit se poser la question: à quoi me sert réellement ma maison? Il faut sortir du modèle établi et cesser de comparer sa maison à celle des autres. Un mode de vie décroissant - vendre des biens et se loger dans plus petit - est plus facile à adopter quand il permet de faire ce qu’on aime. »
L’an dernier, l’artiste a remporté quelques prix qui lui ont grandement plaisir et l’ont rassuré face à son choix de se consacrer à temps plein à son art. En 2019, son oeuvre Dreamers remportait le Prix du public de la Galerie Jean-Tal/Infoman et le Prix du public de la Foire d’art contemporain de St-Lambert. La même année, DeSerres lui proposait aussi de faire partie de sa campagne publicitaire mettant en lumière, sous forme de portraits web et télévisuels, des artistes inspirants. « Mes projets les plus marquants ont souvent été créés en utilisant des matériaux papier ayant un sens profond pour certains individus, comme par exemple un portrait composé de photos de famille prises sur plusieurs années, ou un assemblage des tickets de stationnement d’une personne ayant subi plusieurs traitements contre le cancer... J’ai fait une oeuvre sur mesure pour souligner l’achat d’une première maison. J’ai même reproduit pour une cliente la silhouette du Mont- Saint-Hilaire en me servant des pages du manifeste du refus global! C’est touchant de me permettre d’accéder à des vérités aussi intimes. »
Disponibles aux galeries Martine Hénault, dans le Vieux-Montréal, et Michel Bigué, à Saint-Sauveur, les oeuvres de Karine Demers peuvent aussi être admirées et achetées en ligne, à partir de multiples plateformes et réseaux sociaux. « Je ne suis pas représentée officiellement par une galerie, mais celles-ci m’ont encouragée dès le début! »
Sur Instagram @karine.demers.artiste
Sur Facebook @karinedemersarts
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