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FESTIVAL INTERNATIONAL DE JARDINS 2025 | JARDINS DE MÉTIS

ENTRE MÉMOIRE VIVE, ART PAYSAGER ET PROJECTIONS CLIMATIQUES

INTERLIGNE | DANS NOTRE MIRE | AOÛT 2025

Texte | Dave Richard

Photos | Christophe Roberge + Martin Bond + Dave Richard

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Aux confins du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, là où la rivière Mitis rejoint le Saint-Laurent, les Jardins de Métis forment depuis près de cent ans un monde à part. Initié en 1926 par la visionnaire Elsie Reford, le site est aujourd’hui à la fois un lieu de mémoire horticole, un laboratoire paysager et une scène de création contemporaine.


« Ce qui est fascinant chez Elsie Reford, c’est que sa passion pour les jardins ne s’est révélée qu’assez tardivement, » explique Joël Pelletier, directeur des communications. « À plus de cinquante ans, alors qu’elle était malade, son médecin lui a recommandé de cesser l’équitation. Elle s’est alors retrouvée à errer un peu, ici, à Métis, dans ce qui n’était encore qu’un camp de pêche. C’est à ce moment qu’elle a entrepris de transformer la forêt d’épinettes en jardin à l’anglaise. Sans accès à un centre de jardinage ni à du compost industriel, elle a troqué avec les gens de la région, échangeant des saumons contre du fumier. C’est ainsi qu’elle a amorcé la création de ce qui allait devenir l’un des plus beaux jardins d’Amérique du Nord. »


Situés dans un microclimat étonnamment tempéré grâce à la baie de Mitis, les jardins abritent aujourd’hui plus de 3000 espèces et variétés de plantes. Certains sentiers, bordés de pavots bleus et d’épinettes centenaires, témoignent de près d’un siècle d’observation et de soin. Ce centenaire sera célébré en 2026.


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FRONTIÈRES : UNE 26E ÉDITION

SOUS LE SIGNE DE LA POROSITÉ


Jusqu’au 5 octobre 2025, la 26e édition du Festival international de jardins convie le public à explorer une notion aussi politique que poétique : celle de la frontière. Sous la direction artistique d’Ève De Garie-Lamanque, cette édition s’inscrit dans une réflexion postcoloniale sur les lignes visibles et invisibles qui délimitent les territoires, les corps, les identités et les récits. Le jury de sélection, composé de personnalités du monde de l’architecture de paysage et des arts, a retenu quatre projets qui incarnent chacun à leur manière un brouillage fécond des frontières conceptuelles, disciplinaires ou sensibles.


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« Nous avons cherché des propositions capables de remettre en question les dichotomies traditionnelles — nature/culture, humain/non-humain, intérieur/extérieur — tout en créant un jardin-environnement vivant, poreux, engagé, ouvert à l’interprétation », souligne Ève De Garie-Lamanque.



Dans BACK//GROUND, l’artiste québécois Patrick Bérubé s’attarde aux origines de la domestication de la nature et de la propriété privée comme gestes fondateurs d’un rapport extractiviste au monde vivant. L’installation redonne à la nature sa pleine autonomie, en inversant les rôles usuels : ici, ce n’est pas le paysage qui sert de décor, mais l’humain qui s’y inscrit en toute humilité.


« La nature n’est pas qu’un arrière-plan, mais un milieu vivant duquel l’humain fait partie intégrante et dont il ne saurait se dissocier qu’artificiellement ou illusoirement, » précise-t-il.


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Posées sur un sol en damier qui évoque à la fois le carrelage domestique, le jeu de dames et la grille transparente de Photoshop, les petites maisons miniatures deviennent un terrain d’expérimentation critique.


« Ce damier au sol, on peut y voir un jeu de dames, un carrelage d’intérieur, un motif familier… mais il ouvre aussi sur tout un réseau de symboles. Pour moi, c’est une manière de parler des frontières, à la fois matérielles et abstraites. Ça évoque ces séparations visibles ou invisibles qui structurent nos vies : entre le privé et le public, le passé et le présent, l’espace réel et le monde numérique. Photoshop a inventé cette grille transparente pour rendre visible l’invisible, pour que l’on comprenne qu’il y a quelque chose… et en même temps rien. Elle rend tangible ce qui ne l’est pas, » poursuit Ève De Garie-Lamanque.



Avec Peek-a-Boo, le duo Hermine Demaël et Stephen Zimmerer imagine une façade pivotante, percée de trappes ludiques et recouverte de grillage peint. Cette frontière architecturale interroge les seuils entre soi et l’autre, entre ciel et sol, entre le caché et le visible.


« On investit l’espace de la frontière comme un lieu de jeu, de tension douce. Les gens passent, regardent à travers, ouvrent une trappe. Il y a toujours un geste, une négociation entre soi et l’autre, entre ici et ailleurs, » expliquent les concepteurs.


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Scars of Conflict, du concepteur danois Michael Hyttel Thorø, opte pour une approche plus grave. Inspirée des paysages ravagés de la Première Guerre mondiale, l’installation évoque la violence des conflits armés et les cicatrices qu’ils laissent derrière eux.


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« Ce que ce projet évoque, c’est un paysage blessé, confie Ève De Garie-Lamanque. Un territoire qui a été labouré, défiguré, comme ceux traversés par les tranchées. À l’époque, les corps disparaissaient, les identités aussi — on n’avait parfois que des plaques en carton pour reconnaître un soldat. Ici, le sol porte encore cette mémoire-là : il y a quelque chose de l’ordre de la cicatrice. Mais ce qui m’émeut, c’est que malgré cette violence, la vie revient. Lentement, par en dessous. Le paysage guérit, sans effacer tout à fait ce qui a été vécu. Ce n’est pas un oubli, c’est un dépassement. »



Enfin, avec You Shall (Not) Pass, l’architecte québécois Simon Barrette propose une installation monolithique composée de milliers de repères d’arpentage, suspendus en rideau au cœur de la forêt.


« C’est une frontière qui fend le paysage, qui rend visible une limite qu’on ignore d’habitude. Elle interroge nos habitudes, nos droits de passage, nos zones de confort. Elle force à la déviation, mais aussi à la réflexion, » observe-t-il.


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UNE UTOPIE VÉGÉTALE

EN HOMMAGE À CLAUDE CORMIER


Parmi les autres installations marquantes de cette 26e édition, la Forêt de bâtons bleus — Hommage à Claude Cormier, imaginée par le studio montréalais CCxA, propose un geste à la fois poétique et prospectif. Inspirée de la méthode de reboisement intensif développée par le botaniste japonais Akira Miyawaki, l’œuvre met en scène une plantation d’arbres indigènes à très haute densité — huit à neuf plants au mètre carré — autour d’un réseau de fins bâtons peints aux couleurs pixellisées du pavot bleu de l’Himalaya.


« Ce projet-là, c’est pas juste une œuvre visuelle : c’est une expérience vivante, évolutive, inspirée de la méthode Miyawaki. On a planté une densité incroyable d’arbres indigènes autour de bâtons peints aux couleurs pixellisées du pavot bleu de l’Himalaya. Et ces bâtons, avec le temps, vont se dégrader, se tordre, être mangés par la pluie, par la neige. Ce qu’on veut, c’est voir la forêt pousser autour, lentement, et engloutir les traces humaines. C’est un projet qui se lit sur 15 ou 20 ans, » explique Ève De Garie-Lamanque.


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Dans cet écosystème conçu pour durer, les espèces végétales sont choisies pour leur complémentarité : certaines poussent rapidement, d’autres plus lentement. Cette dynamique crée une succession végétale naturelle qui illustre la résilience et la diversité des milieux forestiers.


« La méthode Miyawaki, c’est dense, très dense : huit, neuf plants au mètre carré, tous indigènes, et choisis pour leur complémentarité. Certaines espèces poussent vite, d’autres lentement. Au début, on verra certaines dominer. Mais après 15 ans, celles qui semblaient les plus faibles prendront peut-être le dessus. Ce que ça met en scène, c’est la résilience, l’entraide, la sélection naturelle, » continue la directrice artistique.


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Pensée en réponse aux dérèglements climatiques, cette forêt hybride intègre aussi des essences provenant de zones plus chaudes — anticipant ainsi les changements à venir dans le Bas-Saint-Laurent. Avec les changements à venir, certaines espèces du sud vont finir par pouvoir s’implanter dans la région ; on les a donc déjà introduites dans la forêt.


« C’est une sorte de jardin prévisionnel », conclut De Garie-Lamanque. « Une utopie climatique lucide. »


À la croisée de l’hommage, de l’écologie appliquée et de l’art vivant, cette œuvre immersive rend hommage à Claude Cormier, paysagiste visionnaire disparu en 2023, en insufflant à l’espace public ce qui faisait la force de sa pratique : humour, radicalité formelle, attachement au vivant.




LE PAVOT BLEU EN TROIS VOLETS


En écho au centenaire de l’introduction du pavot bleu de l’Himalaya dans les jardins occidentaux, toute la programmation muséale 2025 des salles d’exposition des Jardins lui est consacrée.


À la Villa Estevan, l’artiste T.M. Glass signe une installation immersive sous le commissariat d’Alexander Reford et Marjelaine Sylvestre. L’exposition retrace l’histoire du botaniste Frank Kingdom-Ward, qui risqua sa vie pour sauver cette fleur de l’extinction.


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« Il y a cent ans, le pavot bleu de l’Himalaya a failli disparaître. C’est Frank Kingdom-Ward, expert britannique des plantes vivaces, qui a sauvé cette fleur rare à l’incomparable beauté. Cette exposition met en lumière les efforts déployés aux quatre coins du monde pour sauver une petite fleur en danger, difficile à cultiver », explique Alexander Reford.


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À l’aire Desjardins du Grand hall, une seconde exposition met à l’honneur le travail du maître illustrateur botanique Marcel Jomphe. Trois volets structurent l’exposition : un inventaire de croquis scientifiques, une galerie d’illustrations d’espèces réelles et une série d’œuvres imaginaires.


« La poésie et les accents métaphysiques de ses œuvres réinterprètent les formes de la nature. Ils ouvrent une fenêtre sur un royaume invisible qui nous amène à nous questionner sur nos réalités écologiques et existentielles. (…) Son œuvre nous invite à regarder au-delà de la surface, à considérer les aspects plus intenses, plus subtils de l’existence, » mentionne le texte de présentation de l’exposition.


Enfin, l’exposition Exotique. Rêver d’un monde végétal, conçue à l’occasion du centenaire de l’introduction du pavot bleu de l’Himalaya dans les jardins occidentaux, propose une réflexion sur la notion d’exotisme. Qu’est-ce qu’une plante exotique, sinon une espèce perçue comme étrangère — mais qui, ailleurs, est indigène ? En croisant découvertes botaniques des 19e et 20e siècles, recherches scientifiques contemporaines et patrimoine horticole, l’exposition met en lumière la richesse et la complexité du monde végétal.


Deux robes interactives de l’artiste et designer Ying Gao, Can’t et Won’t, inspirées par l’observation attentive de la nature, ponctuent le parcours avec poésie et innovation. Une troisième robe, unique et signée par Christian Chenail, s’ajoute à cette exploration sensorielle, tissant un lien subtil entre création textile et diversité florale. L’exposition rend également hommage aux collections de végétaux d’ici et d’ailleurs patiemment cultivées par Elsie Reford à Grand-Métis entre 1926 et 1958.


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LE RESTAURANT DU JARDIN : RACINES LOCALES ET ASSIETTE RAFFINÉE


En bordure des sentiers, le restaurant Villa Estevan Lodge prolonge l’expérience sensorielle des Jardins. Le chef Frédérick Boucher, originaire de Price, y compose une cuisine végétale, audacieuse, enracinée dans les rythmes du vivant.


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« Le potager voisin n’a jamais été un simple jardin d’ornement », raconte le chef Frédérick Boucher. « À l’époque d’Elsie Reford, on y cultivait les légumes qui approvisionnaient la villa, mais aussi les fleurs destinées aux plates-bandes du jardin. C’était un espace de travail, de reproduction et de préservation. Aujourd’hui encore, il demeure un lieu productif, au service du restaurant et de ses visiteurs. »


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* Pour en apprendre plus sur le restaurant Villa Estevan Lodge et son chef Frédérick Boucher, écoutez l’épisode 36 de la troisième saison du balado de référence pour les pros de la restauration au Québec, On est dans le jus, animé par Pascal Hourriez et Émeric Hommey.




POUR MARCHER, RÉFLÉCHIR, REVENIR


Avec ses 5 kilomètres de sentiers, ses belvédères sur la baie, ses bancs cachés et ses installations mouvantes, les Jardins de Métis proposent une immersion lente, réversible, faite pour se perdre et pour revenir.


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« Ça fait près de cent ans qu’on jardine ici. Près de cent ans que des gens passionnés s’affairent à faire de ce lieu ce qu’il est, à expérimenter, à échanger. Près de cent ans que le lieu pousse et repousse », conclut Joël Pelletier. « Jardiner, c’est transmettre sans forcer. C’est semer dans un sol qu’on ne verra peut-être pas fleurir, mais qu’on aura aidé à devenir fertile. Venir aux Jardins de Métis, c’est se faire témoin des résultats d’un siècle de gestes discrets, portés par le désir que quelque chose — un souvenir, une idée, une plante — persiste. »


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* Cet article a été rendu possible par les Jardins de Métis. La visite des Jardins et du site du Festival a été réalisée lors d’un séjour de presse à la Maison d’Ariane, une résidence d’artistes située à Métis-sur-Mer. Merci à Olivier Lapierre, Alexander Reford, Joël Pelletier, Ève De Garie-Lamanque et Frédérick Boucher pour leur précieuse collaboration et leur passion contagieuse pour un site et un événement exceptionnels.



26E ÉDITION DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE JARDINS

Jusqu’au 5 octobre 2025


LES JARDINS DE MÉTIS

200, route 132

Grand-Métis, Qc

G0J 1Z0

T. 418 775-2222



Sur Instagram @jardinsdemetis

 
 
 

1 commentaire


Andriy
Andriy
01 sept.

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