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- 16 août 2023
- 4 min de lecture

PROJET CAPO | ATELIERCARLE

D’UNE BEAUTÉ VERTIGINEUSE

INTERLIGNE | ARCHITECTURE | AOÛT 2023

Photos | James Brittain

Texte | Communiqué + Dave Richard

Localisation | Baie-Saint-Paul, Qc

Type de projet | Construction neuve

Budget approximatif | $$

Réalisation | 2022

Conception | 10 mois

Travaux | 24 mois

Superficie | 3 200 pi2 / 290 m2

Situé non loin de Baie-Saint-Paul dans la région de Charlevoix au Québec, le projet CAPO propose une approche architecturale privilégiant le déplacement du corps dans l’espace. C’est la spécificité du lieu d’intervention qui a inspiré la résidence: une falaise rocheuse, périlleuse et aux limites de l’habitabilité, dont la pente abrupte, dangereuse et instable, offrait une opportunité de repenser le processus de conception et d’y introduire une dimension critique, malgré le contexte de commande résidentielle.

Le projet CAPO a été l’occasion de détourner subtilement certaines des structures spatiales très ancrées dans la culture du logis contemporain, en introduisant les contraintes du site comme une sorte « d’altérité » affectant la distribution des pièces. Le rapport oblique du lieu -- la falaise rocheuse dessinant la baie de la ville de Baie-Saint-Paul -- offrait une opportunité, par le biais de la contrainte physique ou de la complexité de mise en œuvre d’un tel site.

Élaboré dès le départ en coupe, le projet se dessine avant tout selon un tracé organique préexistant de circulations sur le site périlleux, engendrant un parcours selon une logique conceptuelle plutôt que programmatique découlant d’un agencement conventionnel de pièces. Cet aspect permet au projet de s’installer au sein d'une nature instable. Les espaces s’ancrent tout au long de ce tracé, privilégiant le mouvement constant de l’usager d’un niveau à l’autre selon une succession d’escaliers. Ceux-ci se déploient par séquences variées, par orientations multiples, raffinant le parcours, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Thématique centrale du projet CAPO, le mouvement y donne lieu à des points de vues divers, multiples, riches. Selon leur amplitude, les escaliers permettent à la fois de rejoindre les différents paliers du site, mais aussi de créer une subtile distinction entre les espaces adjacents décloisonnés. La résidence est ainsi fragmentée en plateaux de vie aux formes et orientations variées, maintenant une certaine réciprocité avec le sol environnant tout en positionnant la grande vue panoramique sur le fleuve comme un des points de vue d’intérêt sur le site. À la grande terrasse panoramique surplombant le fleuve Saint-Laurent s’ajoutent le long du parcours d’autres lieux extérieurs aux accès directs depuis l’intérieur, rendant le lieu hétérogène et permettant d’en faire l’expérience d’une multitude de façons. Au projet CAPO, les occupants se retrouvent en lien continu avec la nature environnante, engagés dans un rapport plus actif que contemplatif, et ce, malgré le caractère périlleux de la falaise. Ultimement, la prépondérance du paysage monumental du fleuve comme seul à priori du lieu s’en trouve relativisée.

Le projet se déploie donc depuis le haut du site où se situe l’accès principal, qualifiée par une loggia s’ouvrant sur le fleuve Saint-Laurent. Celle-ci permet du coup de traverser le bâtiment pour accéder aux terrasses faisant face au fleuve, et ce, sans nécessairement pénétrer à l’intérieur du bâtiment. Plus bas sur le site, en fin de parcours des escaliers et terrasses extérieures, un dernier lieu s’ouvre sur un plateau naturel, ceinturé par la falaise et ses grands pins centenaires. Cet espace nous connecte alors à une fin d’un parcours naturel sur le site, préexistant à la construction du projet et constitue la fin du domaine appropriable de la falaise.

Transcendant la seule expression stylistique, le bâtiment du projet CAPO est avant tout un prolongement du trajet en oblique intrinsèque du site. L’intervention architecturale maintient cette caractéristique du lieu comme seul véritable mode d’appropriation. Le programme lui, « s’accroche » à cette structure de déplacement.

Le projet CAPO étant une autoconstruction, il s’est échelonné sur une longue période, ce qui a permis l’intégration consciente des propriétaires tout au long du processus, rendant très flexible la conception. Le mode de vie des futurs occupants a ainsi pu être questionné et une certaine « manière préconçue d’habiter » a pu être réévaluée.

La mise en œuvre du projet sur le site s’est faite de façon progressive et délicate grâce à l’emploi de coffrages isolants permettant une séquence de coulées successives. Compte tenu de la difficulté d’appropriation de ce site où aucun arbre ne devait être abattu, le choix de cette technique de construction assurait le maintien des caractéristiques paysagères, tant dans l’immédiat qu’à long terme.

Ce mode de construction robuste a permis de recouvrir l’enveloppe d'une maçonnerie de pierre d’allure rustique, arrimant son architecture à l’environnement. Le format et le type d’agencement des pierres ont été choisis afin de répondre aux contraintes d’installations du site; le module se devait d’être relativement malléable dans le contexte précaire de la falaise.

Conçue comme une succession de petites collines descendant en cascade le long de la falaise, la volumétrie résultante du tracé des circulations de la résidence renvoie au grand paysage de la côte charlevoisienne, où le caractère organique des constructions rurales du dernier siècle se superpose à la vertigineuse rusticité du territoire.