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LIGNE 12 | ÉTÉ 2025

S'ÉVADER VERS SOI

LIGNE 12 | ÉDITORIAL | ÉTÉ 2025

Texte | Dave Richard

Photo | Kaboompics


Il n’y a souvent pas de plus bel ailleurs qu’en soi-même. Dans un monde instable, où bourdonne un futur inquiétant et s’installe une fatigue collective du réel, explorer un territoire plus intime, loin de l’agitation, des injonctions et de l’accélération devient tentant, nécessaire même. Cet été, nous vous invitons à prêter attention à ce qui vous habite, à ralentir, puis à renouer avec ce qui a du sens – un mouvement à contre-courant, qui privilégie la nuance sur la démonstration, la justesse sur la surenchère.


Dans ce numéro, nous avons rassemblé une collection de maisons qui, bien que somptueuses, cherchent moins à impressionner qu’à offrir, en leur sein, équilibre et apaisement. Chacune de leurs ouvertures, chacun des matériaux qui les composent, chaque espace qu’elles renferment ont été pensés pour favoriser une présence pleine et consciente. Ces maisons sont des refuges subtils, ancrés dans leur environnement, où l’on peut reprendre son souffle, retrouver une forme de clarté dans un quotidien souvent opaque.


Ce retour au geste lent, au contact direct avec la matière, traverse aussi la démarche d’artisans et d’artistes, comme Karim Charlebois, qui sculpte le bois à la main dans son atelier à ciel ouvert, où chaque entaille devient trace, maillon d’histoire et souvenir.


Les œuvres d’Andrée-Anne Mercier s’inscrivent dans une dynamique similaire. Issues de photographies prises au fil de ses voyages, ses peintures prolongent l’expérience du déplacement en y injectant une charge intime, presque méditative. Face à la saturation d’images numériques, elle cherche à préserver la résonance de fragments d’existence en voie de disparition – des paysages réels filtrés par la mémoire, porteurs d’un ailleurs devenu part de soi.


Dans ce numéro, nous avons aussi voulu explorer ce mouvement vers l’intime et l’authentique à l’échelle collective, alors que l’on voit émerger, chez les designers canadiens, de plus en plus d’initiatives créatives fondées sur l’entraide et le travail en commun. Foires de design, initiatives de commerce collaboratif, événements de réseautage interdisciplinaires… Au sein de ces rencontres fécondes, la différence ne s’efface pas : elle s’affirme, s’affine, nourrit un dialogue sincère et exigeant. Le collectif Ensemble reflète bien cette dynamique réjouissante, réunissant plusieurs designers québécois dans un esprit d’échange où chacun se révèle davantage à travers le regard de l’autre.


D’autres sujets abordent ce même souci du lien – à soi, aux autres, à ce qui nous entoure. Le bel article de Mylène Lachance-Paquin, consacré à l’autoportrait, explore cette forme comme un espace de connexion et de dialogue avec son être profond. Vanessa Sicotte, quant à elle, nous invite à nous évader de la plus pure des façons : dans le sommeil, en tout confort. Même dans les objets les plus quotidiens que l’on vous présente – tapis, luminaires, mobilier modulaire – se dessine une logique nouvelle, fondée sur la simplicité, la durabilité et l’usage éclairé.


À l’heure où des crises identitaires profondes traversent tant de nations, le Québec semble cultiver un rapport au temps plus lent, plus attentif – une forme précieuse de résistance culturelle et esthétique. Et si cette manière d’habiter le monde constituait justement le refuge dont nous avions, en ce moment, le plus besoin?


Merci de nous lire une douzième fois.


Dave Richard | Éditeur



| et toute l’équipe de Ligne


DAVE RICHARD


Dave Richard a fondé les Éditions de la Diagonale qui publient le magazine Ligne depuis 2020. Il est aussi rédacteur, traducteur, adaptateur pour le doublage de télévision et de cinéma et parolier (oui, oui).


Sur Instagram @daverichard.editeur

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