ALEXIS VANASSE

Magazine Ligne
9 juin
3 min de lecture

CONNEXIONS ET MÉMOIRE

LIGNE 11 | ART | HIVER 2024

Texte | Claire-Marine Beha

Photos | Alexis Vanasse + Diana Rodriguez

Peu importe les médiums et techniques utilisés, l’artiste-chercheur originaire de Drummondville Alexis Vanasse invite notre attention à se poser sur des thèmes aussi universels que protéiformes, tels que la mémoire, les multiples formes du langage, la métamorphose relationnelle et les traces laissées par le vécu. Sa démarche transdisciplinaire fait converger sculpture, photographie, fonte, papier artisanal ainsi que poésie littéraire, pour générer des œuvres où la curiosité, le sensible et la transformation sont à l’avant-plan.

Abstraites mais toujours symboliques, les œuvres de Vanasse s’alimentent d’éléments du réel qui offrent des clés d’interprétation permettant d’accéder à ses réflexions sur l’interconnexion.

« En citant des œuvres de la peinture de genre et de la peinture romantique, en décontextualisant des témoignages, des articles de presse, des images issues de la culture numérique et populaire et des objets ready-made, je développe un discours sur la notion de coexistence et d’empreinte », explique-t-il.

C’est notamment le cas avec sa série Dust Catcher, réalisée in situ à Projet Casa en 2023, qui s’inspire d’images puisées dans l’histoire de l’art et d’autres obtenues à l’aide de la technologie de l’imagerie par résonance magnétique. Cette rencontre de la science, des codes historiques et du geste plastique permet à Alexis Vanasse de déployer une réflexion sur le langage et sur sa complexe perception en créant un effet de synesthésie. En effet, grâce à Dust Catcher, il parvient à brouiller les frontières entre sensation corporelle et stimulus visuel en usant de matériaux fragiles comme le papier, la poussière et le bois. Ce faisant, les tensions et les reliefs qui leur donnent vie semblent alors contenir un message à décrypter.

Une complexité similaire surgit de la juxtaposition d’objets et nous interpelle dans sa série photographique La tulipe est ostensible et l’artiste trivial, réalisée en 2021. Ces œuvres bigarrées et surprenantes font écho à la tradition des natures mortes, au cabinet de curiosités ainsi qu’à l’esthétique ultracolorée des publicités. Vanasse y sollicite notre rapport aux objets, à la nostalgie qu’ils peuvent engendrer et à la valeur qu’on leur accorde selon le contexte. Les objets hétéroclites des compositions qu’on peut y voir ont été trouvés, achetés, cueillis, reçus…

« Devant ces photos, on se demande à qui ont appartenu les objets qui y sont présentés, quelles significations ils revêtent, dit l’artiste. Mais ces photos peuvent aussi rappeler des souvenirs et des sentiments lorsqu’elles mettent en scène un objet ayant appartenu au monde de notre enfance ou qui évoque un être cher, parce qu’un objet conserve d’une certaine manière l’empreinte de son passé. »

L’intérêt d’Alexis Vanasse pour les mots est évident dans Boîte noire, où des bribes de prose et des photographies s’entremêlent. Ambitieuse et intime, cette réalisation devrait se conclure en 2042 et documenter 20 ans de la vie de l’artiste.

« Cette série de capsules, débutée en 2022, emprunte l’esthétique de la photographie amateur pour pousser l’observateur à réfléchir sur son rapport à la mémoire et ses clivages, entre le numérique et le réel », renchérit-il.

Alexis Vanasse poursuit d’ailleurs son étude de la notion de métamorphose dans sa création en cours intitulée Ardence des cygnes : ode au deuil et aux transcendances, qui est également poétique et biographique et qui fait l’éloge des possibilités relationnelles naissant du contexte de la séparation amoureuse, de la (re)découverte de soi et des complicités nouvelles. En parallèle, grâce à une bourse Première Ovation, l’artiste développe un concept artistique relationnel et communautaire, Repères et liaisons, qui s’intéresse aux lieux destinés aux soins et à l’hébergement, ainsi qu’une série intitulée Shape of Thoughts and Belonging, qui explore par l’abstraction les réalités et enjeux de la scène artistique québécoise, en rassemblant témoignages, presse et images pour susciter une réflexion sur la coexistence, l’harmonie ainsi que les influences médiatiques et institutionnelles.